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mercredi 29 février 2012

ANDAMAN ISLANDS 2/4



Baie de Jarawa
"Le paysage est surprenant. Habitués des forêts tropicales indonésiennes pour avoir déjà fait pas mal de trips aux Mentawai, nous nous attendions à une végétation de cocotiers et de palétuviers. Mais ici point. De très grands arbres aux troncs dégagés abritent un sous bois aéré au bord de la plage. C’est majestueux.



Sur le bateau, Teiki et David, déballent les nouvelles planches apportées de France. Habitués à sillonner ensemble les mers indonésiennes, ils se retrouvent lors de cette exploration, tout autant excités par ces spots inédits que par ces nouveaux shapes. Tout le monde s’agite ; le son du frottement de la wax s’élève dans le ciel comme une litanie sourde qui prie les dieux du swell.

Le Scame



En ce début de voyage, la houle est de 6 pieds, mais les cartes météorologiques, consultées avant le départ, annoncent un gros pic dans peu de jours : 8 pieds et 19s de période. A l’eau nous surfons avec les deux seuls surfeurs occidentaux que nous rencontrerons aux Andaman, un anglais et un suisse qui vivent à l’année en Inde dans une communauté hippie, et viennent camper, un mois par an, devant la vague de Jarawa, bien que cela soit interdit. Il faut voir leur campement plus que vétuste, situé juste derrière l’orée de la jungle et constitué de quelques hamacs et moustiquaires jetés là au milieu des arbres, des insectes et des serpents. Pas d’eau douce, pas de nourriture. Il faut marcher quarante minutes puis prendre un transport local jusqu’au plus proche village pour se ravitailler… respect.



David


Teiki


Teiki


Teiki


Tristan


Tristan





Plus au sud, la côte dévoile une multitude d’autres vagues que nous passons quelques jours à explorer en attendant le swell plus conséquent. Ici pas de surfeur. La frénésie de la découverte est à son comble, nous surfons des droites et des gauches, petites vagues de reef parfaites, l’eau est d’une chaleur inégalable et nous apercevons parfois dauphins, raie Manta et tortues.




Teiki:








Au seul port de l’île, à Hut Bay, nous descendons à terre refaire le plein de fruits et de légumes. Hut Bay, est une petite bourgade de bric et de broc au bord d'une vaste baie, il faut marcher un long moment en plein soleil depuis le port pour arriver au village si l'on a pas la chance de croiser un tuc tuc.

Nous sommes les seuls touristes et forcément les nouvelles vont vite.






Le tchaé, ce mélange de thé, d'épices et de lait très sucré est la boisson très prisée des indiens. Ici aussi on en boit à toute heure.







Quelques minutes après notre arrivée au village, Teiki est accosté par un Indien qui a appris que nous étions de passage. Muthu vient du Kerala du sud, il n’est pas né aux Andaman, mais c’est le seul surfeur local. Il semble très excité et très heureux de l’arrivée de nouveaux surfeurs sur son île et nous explique avec passion comment marchent vagues, houle et saisons ici. Muthu est un trentenaire avancé, mais son visage est jeune et peu marqué. Il est venu aux Andaman pour la première fois à la fin des années 90, après avoir vu une vidéo de surf sur ces îles ; depuis peu il y vit à l’année, par passion du surf. Il veut acheter à Teiki une planche, denrée rare dans le coin, car les deux qu’il possède sont grandes et volumineuses, et Muthu est un poids plume qui doit faire 50 kilos tout mouillé. Sa gentillesse est telle que, le soir venu, de retour au bateau, Teiki lui donne une 5’6, avec ailerons, leash et wax impossible à trouver ici (Muthu utilise de la cire de bougie), en lui proposant de nous rejoindre surfer sur un des spots. Nous voyons bien, à son sourire, que pendant quelques instants, c’est le plus heureux des hommes. Muthu, qui habite en haut de la colline, voit les bateaux passer et nous dit qu’il surveillera la mer pour voir si nous allons au sud ou au nord."

Teiki et Muthu



A suivre...

mardi 28 février 2012

BLACK FEELING


5' 11 x 18" 1/2 x 2" 5/16 shortboard







lundi 27 février 2012

ANDAMAN ISLANDS 1/4


Article de Frédérique Seyral, paru dans le magasine Surf Session d'octobre 2011, revu et augmenté. Photos: David Charbonnel, Madison Setiawan, Frédérique Seyral.


"Animée d’un étrange sentiment où se mêlent à la fois la curiosité et le don d’ubiquité, je laisse glisser mon doigt sur la carte jusqu’à un petit Archipel : à l’ouest de celui-ci, l’océan Indien et l’Inde, massive et remuante, au nord, le golfe du Bengale et la lointaine Birmanie, à l’est, la Thaïlande multicolore, et, au Sud, les îles Nicobar et l’Indonésie qui s’égrènent en petits chapelets. Voilà donc les Andaman, dont le nom, issu d’un dieu Hindou, résonne en moi comme le titre d’un roman d’aventure, et me fait fantasmer à quelques errances exploratoires sur les pas de Marco Polo qui avait qualifié l’endroit de « pays de chasseurs de têtes ».

Au moment du départ, de ces îles, je ne sais finalement que peu de choses, si ce n’est que les Britanniques en avaient fait un immense bagne, que l’Inde les a annexées en en faisant un bastion naval stratégique et que les peuples indigènes qui y vivent, Grands Andamanais, Onge, Jarawa, Sentinelles, à la peau foncée et aux cheveux crépus, venus de la vieille Afrique en des temps immémoriaux, se meurent d’être colonisés. Je sais aussi, que ces peuples endémiques sont considérés par les ethnologues comme comptant parmi les plus isolés du monde, et que, déjà, l’un d’eux, les Jangil, a disparu. Eux qui ont su se protéger lorsque le tsunami de 2004 s’est jeté sur leur côtes - se souvenant des conseils de leurs ancêtres et observant le comportement des animaux, ils se sont sauvés en grimpant dans les collines -, sont pourtant décimés par les maladies apportées par les colons indiens, la raréfaction de leurs ressources et d’autres maux venus d’ailleurs comme l’alcoolisme. De ces îles Andaman, je sais aussi qu’elles recèlent de nombreux spots de surf vierges et quasi insurfés, but de notre expédition.
Quatre avions plus tard et quelques interminables transits dans les jambes, nous arrivons à Port Blair dans la chaleur moite d’un aéroport vétuste dont le parking est envahi par un troupeau de chèvres. Après un long moment passé à l’immigration locale qui prend son rôle très au sérieux, nous rejoignons enfin Teiki qui nous attend auprès de taxis indiens hérités d’une autre époque.

Port Blair, c’est l’Inde en miniature, rues animées où le klaxon est un sport local, magasins colorés où s’entassent statuettes religieuses pleines de strass, peluches, vaisselles, sarongs et autres marchandises importées du continent.

Le nom de la ville, qui témoigne du long passé colonial de la région, vient d'Archibald Blair, de la Compagnie anglaise des Indes orientales qui construisit un pénitencier sur l'île principale en 1789.







Au port, le Scame, un côtre en acajou et teck, déploie sa silhouette racée au milieu des imposants navires militaires et des petites embarcations de pêche.

C’est à bord de ce voilier de 22 mètres que nous partons pour le sud, sur Little Andaman où se trouvent la plupart des vagues accessibles. « Accessibles », car il est formellement interdit d’aller dans certaines zones, voire sur certaines îles, comme il est impossible d’approcher les ethnies autochtones.

Chaque trajet nécessite une autorisation, et, tous les jours, c’est le même rituel : les autorités maritimes appellent le bateau sur la radio VHF en demandant notre positionnement et notre plan de route, se montrant sourcilleuses en cas de changement de cap inopiné dû à la houle…



Le bateau file, peu de vent, dommage pour la navigation, tant mieux pour les vagues. Tout le monde commence à frétiller sur le pont, scrutant les côtes que nous longeons et observant la houle déferler. La déconnection est totale, pas de téléphone, pas d’internet, nous voilà très loin de la médiatisation effrénée et de l’accélération du monde où chaque chose et chaque être semblent avoir le pouvoir de se doubler d’un alter ego virtuel. Plane l’impression d’être nomades, ouverts à de nouvelles topographies mouvantes et portés par le flux des choses naturelles. Nous allons où la houle va, cherchant le récif idéal, celui qui saura la recevoir pour en faire émerger une vague parfaite.
Petite escale en chemin sur un îlot désert, histoire de se dégourdir les pattes et de se baigner. Les seuls habitants que nous croisons ici sont de gros Bernard l'hermite terrestres...






Jarawa. On dirait le nom d’une squaw. Mais Jarawa, c’est celui d’une des ethnies locales et celui une vague, une gauche incroyable qui déroule le long d’un récif et s’en va mourir au fond d’une vaste baie.

C'est notre première vague surfée aux Andaman; elle annonce déjà le potentiel à venir...







A suivre...