Pages

lundi 27 février 2012

ANDAMAN ISLANDS 1/4


Article de Frédérique Seyral, paru dans le magasine Surf Session d'octobre 2011, revu et augmenté. Photos: David Charbonnel, Madison Setiawan, Frédérique Seyral.


"Animée d’un étrange sentiment où se mêlent à la fois la curiosité et le don d’ubiquité, je laisse glisser mon doigt sur la carte jusqu’à un petit Archipel : à l’ouest de celui-ci, l’océan Indien et l’Inde, massive et remuante, au nord, le golfe du Bengale et la lointaine Birmanie, à l’est, la Thaïlande multicolore, et, au Sud, les îles Nicobar et l’Indonésie qui s’égrènent en petits chapelets. Voilà donc les Andaman, dont le nom, issu d’un dieu Hindou, résonne en moi comme le titre d’un roman d’aventure, et me fait fantasmer à quelques errances exploratoires sur les pas de Marco Polo qui avait qualifié l’endroit de « pays de chasseurs de têtes ».

Au moment du départ, de ces îles, je ne sais finalement que peu de choses, si ce n’est que les Britanniques en avaient fait un immense bagne, que l’Inde les a annexées en en faisant un bastion naval stratégique et que les peuples indigènes qui y vivent, Grands Andamanais, Onge, Jarawa, Sentinelles, à la peau foncée et aux cheveux crépus, venus de la vieille Afrique en des temps immémoriaux, se meurent d’être colonisés. Je sais aussi, que ces peuples endémiques sont considérés par les ethnologues comme comptant parmi les plus isolés du monde, et que, déjà, l’un d’eux, les Jangil, a disparu. Eux qui ont su se protéger lorsque le tsunami de 2004 s’est jeté sur leur côtes - se souvenant des conseils de leurs ancêtres et observant le comportement des animaux, ils se sont sauvés en grimpant dans les collines -, sont pourtant décimés par les maladies apportées par les colons indiens, la raréfaction de leurs ressources et d’autres maux venus d’ailleurs comme l’alcoolisme. De ces îles Andaman, je sais aussi qu’elles recèlent de nombreux spots de surf vierges et quasi insurfés, but de notre expédition.
Quatre avions plus tard et quelques interminables transits dans les jambes, nous arrivons à Port Blair dans la chaleur moite d’un aéroport vétuste dont le parking est envahi par un troupeau de chèvres. Après un long moment passé à l’immigration locale qui prend son rôle très au sérieux, nous rejoignons enfin Teiki qui nous attend auprès de taxis indiens hérités d’une autre époque.

Port Blair, c’est l’Inde en miniature, rues animées où le klaxon est un sport local, magasins colorés où s’entassent statuettes religieuses pleines de strass, peluches, vaisselles, sarongs et autres marchandises importées du continent.

Le nom de la ville, qui témoigne du long passé colonial de la région, vient d'Archibald Blair, de la Compagnie anglaise des Indes orientales qui construisit un pénitencier sur l'île principale en 1789.







Au port, le Scame, un côtre en acajou et teck, déploie sa silhouette racée au milieu des imposants navires militaires et des petites embarcations de pêche.

C’est à bord de ce voilier de 22 mètres que nous partons pour le sud, sur Little Andaman où se trouvent la plupart des vagues accessibles. « Accessibles », car il est formellement interdit d’aller dans certaines zones, voire sur certaines îles, comme il est impossible d’approcher les ethnies autochtones.

Chaque trajet nécessite une autorisation, et, tous les jours, c’est le même rituel : les autorités maritimes appellent le bateau sur la radio VHF en demandant notre positionnement et notre plan de route, se montrant sourcilleuses en cas de changement de cap inopiné dû à la houle…



Le bateau file, peu de vent, dommage pour la navigation, tant mieux pour les vagues. Tout le monde commence à frétiller sur le pont, scrutant les côtes que nous longeons et observant la houle déferler. La déconnection est totale, pas de téléphone, pas d’internet, nous voilà très loin de la médiatisation effrénée et de l’accélération du monde où chaque chose et chaque être semblent avoir le pouvoir de se doubler d’un alter ego virtuel. Plane l’impression d’être nomades, ouverts à de nouvelles topographies mouvantes et portés par le flux des choses naturelles. Nous allons où la houle va, cherchant le récif idéal, celui qui saura la recevoir pour en faire émerger une vague parfaite.
Petite escale en chemin sur un îlot désert, histoire de se dégourdir les pattes et de se baigner. Les seuls habitants que nous croisons ici sont de gros Bernard l'hermite terrestres...






Jarawa. On dirait le nom d’une squaw. Mais Jarawa, c’est celui d’une des ethnies locales et celui une vague, une gauche incroyable qui déroule le long d’un récif et s’en va mourir au fond d’une vaste baie.

C'est notre première vague surfée aux Andaman; elle annonce déjà le potentiel à venir...







A suivre...